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6 avril 2019 6 06 /04 /avril /2019 15:37
Le cortège des dames en noir 14-18
Le cortège des dames en noir 14-18
Le cortège des dames en noir 14-18

Lettre d'Yvonne Retour, dont le mari Maurice, a été tué en Champagne en 1915. Comment tomber de si haut en quelques minutes.
«Je suis brisée. Il me semble que je n'ai plus de cœur tant il est broyé dans ses fibres les plus intimes... Quand je songe aux longues années qui s'ouvrent devant moi, je suis prise de vertige.
Ah ! Que le bon Dieu qui me fait gravir un calvaire si atroce me soutienne, sans cela je vais défaillir au premier pas... Maurice ne reviendra jamais plus !... Je me sentais si sûre à son bras, si vaillante sous son regard, si heureuse dans notre intimité d'âmes que je me sens perdue sans lui. Il m'a abandonnée alors que nous n'avions fait qu'entrevoir le bonheur de notre union. J'avais tant de foi dans son retour que j'ai été frappée en pleine sécurité. Tomber de si haut en quelques minutes, est-ce possible?»

 

Le cortège des dames en noir 14-18
Le cortège des dames en noir 14-18

"Mon adoré Maurice, te reverrai-je" C'est par ces mots simples qu'Yvonne Retour entame en 1915 une correspondance de guerre d'une rare intensité, qui a bouleversé des années plus tard les descendants de ce Normand et cette Bretonne fous amoureux l'un de l'autre.
«Ma chère petite femme... On m'appelle, je t'embrasse de toute mon âme et de toute ma tendresse», lui écrit Maurice, dans ce qui sera son dernier courrier avant d'être tué au combat, le 27 septembre 1915.

Suite à la guerre de 14-18 : Le nombre de veuves s'élève à
600 000 et, pour elles, le deuil est très codifié dans la forme comme dans le temps : voile, voilette, gants costume de grand deuil puis de demi-deuil. Ces veuves font partie du paysage de l'après guerre, elles colorent de noir les villes et les villages, mais sur leur histoire, au fond on sait peu de chose. Longtemps, il n'y en a eu que pour les poilus. Les souffrances du front monopolisaient l'attention, celle de l'arrière étaient délaissées. Mais toutes ces traditions volent en éclats, car il faut bien continuer à travailler, et les rites semblent pulvérisés par la massification de la mort comme par l'absence de corps, qui empêche les cérémonies.
Toutes ces femmes, souvent jeunes, n'ont pas renoncé à vivre. Environ 40 % d'entre elles se sont remariées. Cela n'est pas simple, car le discours dominant est celui de la culpabilisation. L'écrivain P.J. Mézières, qui prétend  parler au nom des morts, écrit «La véritable veuve est celle qui aime son mari et dont l'attachement subsiste  jusqu'au moment où le trépas de nouveau, vient l'unir au repos du héros». Se remarier, c'est donc trahir. Comme s'il fallait que les jeunes femmes restent enchaînées pour toujours à la mémoire d'un mort. Cette culpabilisation des veuves remariées qui s'ajoute aux commentaires acerbes contre les veuves trop jeunes, trop jolies, trop élégantes sous leurs voiles noirs et qui son accusées d'être des veuves joyeuses.                                                                                                                                                                  

Un million d'orphelins en quête de repères. Les pupilles de la nation qui ont perdu leur père au front, ou bien des suites de leurs blessures, grandissent avec le souvenir, parfois écrasant, du défunt érigé en modèle. Dans un cimetière militaire du nord de la France une femme âgée a écrit ces mots , adressés au père mort au combat et qu'elle n'a pas connu : «Papa, tu m'as toujours manqué. Cela fait quatre-vingts ans que tu me manques». Grandir sans père est un fardeau que l'on porte toute sa vie. Cette épreuve, il sont 800 000 à la vivre au soir du 11 novembre 1918- chiffre auquel, avec les décès prématurés dans les années qui suivent le conflit, s'ajoutent les 300 000 pères malades, gazés et blessés. En 1929 on compte 1,1 million, d'orphelins de guerre : un jeune sur 12 !  Ils ne sont pas abandonnés. Pour eux, on a créé le statut de pupilles de la nation.  Que faire des orphelins alsaciens-lorrains ? L'Alsace-Lorraine est redevenue française, mais les pères de ces enfants sont morts pour l'Allemagne : doit-on les déclarer pupilles de la nation ? Le parlement finit par considérer que tous les enfants sont égaux dans le malheur d'avoir perdu leur père. Peu importe la couleur de l'uniforme.

Le cortège des dames en noir 14-18
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